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Superbe hypocrisie !

MessagePublié: Mer 25 Sep 2019 11:19
par yann
Superbe hypocrisie !


Nous le savons depuis longtemps, la France est un très gros producteur d’armes de guerre et entend bien ne pas affaiblir son potentiel d’exportations en la matière. A ce titre, Emmanuel Macron n’a pas à rougir face à ces prédécesseurs. Les pires dictatures, telles l’Arabie Saoudite ou l’Egypte, « nous » achètent des armes et les utilisent comme bon leur semble malgré les dénégations officielles des vendeurs. Des populations civiles trinquent sur l’autel des juteux profit des entreprises françaises du secteur de l’armement. C’est sans doute le prix à payer pour sauvegarder le « mode de vie européen ».

Dans l’affaire du blocus au Yémen organisé à l’initiative de l’Arabie Saoudite les preuves de la complicité de la France s’accumulent. Disclose et ses partenaires du projet French arms (Arte, Mediapart, Radio France et Bellingcat) démontrent, preuves vidéos à l'appui, l’implication de navires vendus et entretenus par la France dans le blocus naval qui affame le Yémen depuis 2015. Par ailleurs, le 3 septembre dernier, un groupe d’experts de l’ONU a publié un rapport sans la moindre équivoque. Chargés d’enquêter depuis 2017 sur les crimes de guerre perpétrés au Yémen, les auteurs affirment leur « crainte que la famine soit utilisée comme méthode de guerre » dans le conflit qui détruit ce pays du golfe depuis cinq ans. A partir d’une note classée confidentiel défense, Disclose avait révélé six mois plus tôt des bombardements aériens massifs contre des infrastructures alimentaires ou portuaires, ainsi que la participation de navires d'origine française dans le blocus maritime mis en place en avril 2015. A l'époque, l’Arabie saoudite avait profité d'un embargo de l'ONU sur les armes à destination des Houthis opposés au régime yéménite afin de contrôler de façon systématique et souvent arbitraire les cargos approvisionnant les zones rebelles. Les conséquences en sont dramatiques : l’acheminement de la nourriture, du carburant et des médicaments d’importation indispensables à plus de 20 millions de Yéménites est lourdement ralenti quand il n’est pas carrément interrompu. Ainsi, 80% de la population relèvent désormais de la nécessité d’une aide humanitaire d'urgence.

Rédigée en octobre 2018 par la direction du renseignement militaire, la note classée « confidentiel défense » obtenue par Disclose mentionnait la participation de deux navires de fabrication française dans le « blocus naval » : la frégate saoudienne de classe Makkah et la corvette lance-missiles émiratie de classe Baynunah. L’enquête French arms révèle qu’au moins deux autres navires de guerre « Made in France » se sont trouvés impliqués dans ce blocus meurtrier. L’analyse scrupuleuse d’une autre vidéo prise lors de l’interception par la coalition d’un navire de commerce battant pavillon indien permet d’identifier la frégate Al-Damman, conçue à l’arsenal de Lorient par Naval group. Les reliefs montagneux visibles sur une séquence de la vidéo indiquent que l’inspection de ce navire a eu lieu à proximité du port d’Al-Hodeida, la principale porte d’entrée de l’aide humanitaire indispensable à la survie de millions de yéménites. Interrogée sur BFMTV en octobre 2018, la ministre des Armées Florence Parly affirmait sans honte : « Il est plus que temps que cette guerre cesse et il est important aussi, c'est même la priorité de la France (...) que l'aide humanitaire puisse passer » ! Un an plus tard, le groupe d’experts de l’ONU sur le Yémen tire la sonnette d’alarme. Pour la première fois, il interroge la « légalité des ventes d’armes » de la France, des Etats-Unis et du Royaume-Unis vers les pays de la coalition et demande instamment aux fournisseurs de l’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis d'interrompre leurs ventes d’armes. Selon Kamel Jendoubi, le président du groupe d’experts de l’ONU, les violations contre les civils yéménites se poursuivent sans relâche depuis cinq ans.

Les services du Premier ministre, Edouard Philippe, ont répondu aux auteurs de cette enquête que « l’ensemble des transferts [d'armement] est encadré par des impératifs liés à la sécurité nationale mais également au respect des engagements internationaux de la France, dont certains lui imposent des obligations spécifiques ». Matignon précise que « la question des conditions d’utilisation des armes est examinée au moment de l’évaluation de la demande d’autorisation (en amont de la délivrance de la licence) ». Et que celle-ci est « octroyée en fonction des informations disponibles au moment de cet examen ». En guise de conclusion, l'exécutif assure que « si les conditions d’utilisation envisagées lors de l’octroi de l’autorisation d’exportation évoluent, la France s’efforce alors de passer des messages adéquats et d’agir de toutes les manières possibles pour conduire à une désescalade, conformément à son rôle de membre permanent du Conseil de sécurité et aux principes fondamentaux de sa diplomatie. » On admirera ici la légèreté du propos qui contraste dramatiquement avec la gravité de la situation. Alors, tout peut continuer : en juillet dernier à Cherbourg, la France a célébré la livraison du premier navire intercepteur HSI, en présence d'officiels français et saoudiens. Vingt autres navires devraient suivre le même chemin dans les mois qui viennent, livrés par la société des Constructions mécaniques de Normandie (CMN).

Tout cela évidemment n’est guère glorieux. D’autant que d’autres preuves indiscutables font état de l’usage, par l’armée égyptienne cette fois, d’armements fournis par la France contre des populations civiles dans Le Sinaï. Le Maréchal Al Sissi est sans doute un autre ami précieux de notre pays ! Il dirige pourtant ce qui est devenu l’une des pires dictatures que compte la planète aujourd’hui. Pour compléter ce tableau… de guerre on citera le Cameroun où l’armée a visiblement un grand besoin elle aussi des armes françaises pour contenir sa population sous la férule. Enfin, il reste tout ce que potentiellement l’on ne sait pas encore mais surgira au fil des enquêtes menées sur les divers « théâtres d’opérations » où « nous » sévissons par arsenaux de guerre interposés. Terrifiante politique extérieure française !


Yann Fiévet
Septembre 2019